L’ICI et MAINTENANT: l’espace de tous les possibles
Il est représenté au centre, avec les 5 autres espaces-temps en interaction dynamique car il est toujours mobilisé / mobilisable en séance. Quand on parle du passé ou du futur ou de l’ailleurs, c’est toujours ici et maintenant. C’est la base sur laquelle le coach peut déployer des interventions dans les différents espaces temps. Il y capte des « Informations de première main »: le passé historique est romancé, le présent contemporain est filtré, le futur est une image et des sensations. Seul le présent donne des informations directes, fondées sur l’éprouvé du coach et le décryptage avec le client de ce qui est en train de se passer, ici et maintenant, entre eux deux. Et qui peut être une reproduction, une répétition de ce que le coaché vit dans le présent contemporain. A partir d’une reconnaissance commune, une proposition pourra émerger pour revitaliser la manière dont le coaché est en contact avec le monde. C’est l’essence du « coaching du lien » cher à mon amie et collègue Marie Pascale Martorell (« Coachez avec les Neurosciences »).
ICI ET AVANT: Notre relation
C’est l’espace-temps de la relation entre le coach et le coaché, telle qu’elle s’est construite depuis le premier contact et même avant. Les projections, le climat des échanges, le degré d’ouverture réciproque, les conflits ou désaccords, les émotions, les suppositions en sont le terreau. C’est un espace temps d’apprentissage et de réparation pour le coaché, alimenté par la mise à jour des transferts et des contre-transferts et le dépassement des situations de blocage. Meta-communiquer sur ce qui s’est passé dans cet espace-temps est souvent utile: qu’est-ce qui a été rétrofléchi, pour utiliser un terme gestaltiste, par qui et pourquoi, qu’est-ce qui a été compris d’une manière différente, voire opposée à l’intention de l’émetteur? Qu’est-ce qui s’est ouvert depuis la première rencontre, qu’est-ce que le coaché expérimente de nouveau dans ce cadre sécure?
AILLEURS ET AVANT: Les mémoires du passé
Cet espace-temps est celui de la mémoire du coaché. Ce qui va être déposé ou exploré dans l’ici et maintenant, ce sont les souvenirs reconstitués de son histoire personnelle, familiale, sociale, professionnelle. La mémoire est un processus de construction basé sur les émotions vécues à l’occasion d’événements réels. Conséquence directe de cette histoire, la personnalité du coaché apparaît. C’est son « naturel », sa manière spécifique et apprise de penser, ressentir et agir, dont le résultat est l’habitude que la personne a d’être elle-même, et qui est renforcée par l’environnement. Elle est souvent régulière, prédictible, voire rigide, et surtout automatique. Se tenir dans sa personnalité est à la fois confortable parce que connu, et inconfortable parce que limitant.
Cette exploration est l’essence de la thérapie, elle est passagère, mais utile et nourrissante en coaching. Puisque les mémoires du passé colorent, connotent, voire envahissent les pensées, émotions et comportements du présent, être conscient de ses différentes routines est une étape cruciale pour les transformer, après avoir reconnu comment elles ont été des stratégies adaptatives appropriées. Lors d’un coaching à enjeu de leadership, il est « logique » d’explorer les relations avec les diverses « autorités » du passé (parents, enseignants, éducateurs etc) et d’en faire apparaître les traces actives dans le présent.
AILLEURS ET MAINTENANT: Le présent contemporain
C’est le contexte privé, professionnel, social, culturel dans lequel évolue le coaché. La demande de coaching émerge en raison du caractère obsolète des stratégies d’adaptation à l’environnement, qui ne permettent plus la satisfaction de certains besoins fondamentaux. Une crise existentielle, un accident de la vie, un licenciement, un vieux rêve qui refait surface, une injonction à changer provenant de l’environnement privé ou professionnel, une insatisfaction chronique, le sentiment de gâcher son potentiel, de plafonner dans son job sont quelques-uns des terreaux à partir desquels émerge le besoin. Besoin qui devra être transformé en demande pour être mis au travail avec un coach.
Une séance démarre souvent dans cet espace-temps : donner des nouvelles, poser le décor du théâtre relationnel dans lequel le coaché évolue, faire le récit des événements marquants, faire le suivi des actions identifiées précédemment. Ce temps est bien entendu nécessaire et il y a cependant être vigilant de ne pas laisser tout l’espace de la séance se laisser envahir pas ces informations. Souvent nous croyons que davantage d’informations vont nous rendre plus pertinent, exhaustifs, complets voire géniaux. En fait, en suivant ce principe, nous n’en aurons jamais assez, autant considérer qu’on en a toujours suffisamment pour entamer un travail.
Au-delà des éléments de contexte, il va être utile de faire s’exprimer le coaché sur ce qu’il a vécu à l’occasion de ces événements, qu’est-ce qui est nouveau ou pas dans sa manière d’y faire face, quelles autres options auraient été à sa disposition, comment peut-il sortir d’une position de Sauveur, de Victime ou de Persécuteur etc.
ICI ET DEMAIN: Nos contrats
Une relation de coaching, c’est un voyage d’un point vers un autre point, voyage jonché d’étapes, d’écueils, d’avancées, de reculades, d’incompréhensions, de moments de grâce suivi de moments de solitude ou de transpiration. La relation entre le coach et le coaché est au cœur de ce voyage et elle en est un ingrédient apprenant tant pour le client que pour le coach. Cette relation peut être un laboratoire où le coaché va expérimenter des nouvelles attitudes… et le coach remettre en jeu sa manière d’accompagner.
Cet espace-temps se construit à la première rencontre dans la définition des objectifs du coaching, le « where », et s’ajuste ensuite tout au long du voyage. C’est l’occasion de définir et d’actualiser un certain nombre de contrats entre le coach et le coaché : contrats d’objectifs, certes, mais aussi contrats relationnels. Comment avons-nous envie d’être ensemble dans ce parcours, quels comportements pouvons-nous démontrer, quelles autorisations pouvons-nous nous donner ? Le coaché peut vivre dans la durée une nouvelle forme de relation où il est reconnu, mis en lumière, aimé inconditionnellement, où il s’affirme et se positionne. Cette expérience est réparatrice de traumatismes relationnels
AILLEURS ET DEMAIN: La vision du futur
Cet espace-temps est habituellement utilisé en fin de séance pour élaborer, plus ou moins rapidement, un « plan d’action » issu des différents apprentissages de la séance. Plus le temps passe et plus je suis réservé sur cette pratique. Par exemple, la mise en œuvre d’un plan d’action pour amener ses collaborateurs à se comporter de telle ou telle façon en réunion est hautement aléatoire. Elle présuppose que les acteurs concernés vont se comporter « comme prévu », rien n’est moins sûr. Par ailleurs, la plupart des problèmes d’aujourd’hui sont la conséquence directe des solutions mises en œuvre par le passé, et toute solution sera inévitablement génératrice de problèmes nouveaux. Je préfère contribuer à accroître les capacités d’improvisation, dans le bon sens du terme, des coachés.
Un processus de coaching s’inscrit dans une dimension temporelle : à l’instant T une personne choisit ou se voit proposer un accompagnement pour, faisons simple, un futur meilleur, quel qu’en soit l’objet. Qu’est-ce qui empêche cette personne d’atteindre les objectifs qu’elle souhaite se donner ? Les mémoires du passé. Ces mémoires sont littéralement « engrammées » dans le corps. Et même si la « tête » avec son processus de décision, sait très bien ce qu’il faut faire pour atteindre cet objectif, le corps, lui, ne suit pas. Il existe une dépendance « biologique » aux états d’être issus de la répétition de séquences renforçant, par exemple, une basse estime de soi, un sentiment de rejet ou d’abandon, ou d’un traumatisme impactant. Finalement c’est le corps qui est l’esprit et « drive » la personne. Un exemple simple, l’angoisse qui peut être ressentie à l’idée d’une présentation en public : la tête « sait » qu’il n’y a aucun danger réel, que le sujet est connu et le public acquis, mais le corps manifeste tous les signes de l’angoisse. Dans ce cas, le corps est l’esprit. Je ne crois pas qu’on puisse s’offrir le luxe d’attendre la dissolution complète et définitive de ces blessures en restant dans l’espace-temps des mémoires du passé.
Envisager son futur à partir des mémoires du passé ou des prisons du présent contemporain aboutit à un futur très prédictible. Les mêmes pensées engendrent les mêmes choix qui produisent les mêmes comportements déclenchant les mêmes expériences dans lesquelles les mêmes émotions vont être vécues, renforçant ainsi les pensées de départ. Envisager un futur différent implique de se placer dans un espace le plus vierge possible des influences du passé et de présent, et pour cela de faire fonctionner son cerveau préfrontal. Ce territoire cérébral fonctionne en subconscient. Il intervient dans la gestion du nouveau, l’intuition, la créativité, est associé à la sérénité, au 3ème œil au jeu. Il est connecté à l’environnement pour y trouver de nouvelles réponses, dans un espace de tous les possibles. Il est sollicitable « sur commande » en se plaçant dans un état de relaxation, de méditation (les ondes cérébrales changent) mais est très consommateur d’énergie, ce qui rend la reprise de contrôle du cerveau limbique inéluctable et souhaitable. (cf Jacques Fradin. L’intelligence du stress)
Il s’agit alors d’imaginer ce que l’on veut pour soi dans le futur, hors des limitations des mémoires du passé, et de le ressentir dans toutes les cellules de son corps, en y étant tellement associé que le cerveau « croit » qu’il s’agit de la réalité, ce qui est exactement le même mécanisme décrit à propos de celui de l’angoisse de prendre la parole en public.
Ainsi que l’explique Joe Dispenza (Rompre avec Soi-même) il y a création de nouvelles connexion neuronales et installation de nouveaux ressentis corporels. Ces deux éléments vont devenir des ressources pour penser différemment les choses, faire ainsi d’autres choix qui déclenchement des comportements différents, ces comportements permettront des expériences différentes qui généreront de nouvelles émotions. Ce processus n’est pas magique, il dépend de la détermination à répéter durablement le processus, en autonomie, pour installer de nouveaux états d’être, et de la capacité à faire fonctionner son observateur interne qui donnera l’alerte dès que les mémoires du passé vont tenter de reprendre les commandes.
Le coach accompagne cette levée des limitations, va aider à calibrer la justesse des émergences et leur imprégnation dans le subconscient. C’est un processus autonomisant et responsabilisant pour le client, une invitation « outillée » à prendre en charge son propre devenir.
Alors, vous êtes coach ou thérapeute? Comment vous promenez vous avec votre client dans ces espaces-temps? Avez vous des préférences, voire des routines? Ou bien des aversions ou des oublis? Partagez vos expériences dans les commentaires!