
Celle de « l’art et la manière ». J’entends régulièrement des propos du type « je coache depuis que je suis tout petit » ou « j’ai toujours fait ça » ou encore « j’ai toujours aimé aider les autres ». Sans doute ces verbatims traduisent une « propension » à accompagner au sens large, et cela a pu être un moteur de croissance, une vocation altruiste qui s’actualise dans un métier utile et reconnu. Mais le coaching, en tant que tel s’apprend, car il nécessite pour être efficace de désapprendre un bon nombre habitudes autour du conseil, du désir de sauver l’autre et d’en prendre d’autres : être à la fois impliqué dans l’action et détaché du résultat par exemple. C’est le rôle des écoles de coaching d’initier à cette posture d’accompagnement. Je considère le coaching comme un art et non une science exacte ou une technique : c’est une co-création permanente plus qu’une application de mécanismes et de principes intangibles. Elle se nourrit d’intuitions, voire d’improvisation au sens musical du terme (comme le disait le comédien Louis Jouvet “elle ne s’improvise pas!”) . Les gestes professionnels se manifestent dans les « purs » moments d’accompagnements des individus ou des collectifs. Ils sont à l’origine des demandes de supervision de la pratique et mobilisent le superviseur dans sa capacité à favoriser la prise de hauteur, de distance, et à transmettre si besoin est outils et clés de lecture.
Celle de la dynamique entrepreneuriale et identitaire. Selon la formule consacrée, « il n’y a pas de coach sans clients ». Au-delà de la pratique de l’art et des gestes, tout coach qui se veut un professionnel, doit “prendre sa place dans le trafic” (à savoir le flux des post sur Linkedin!). Les coachs externes exerçant en entreprise individuelle ou salariés de petites organisations doivent gérer leur structure, se frotter au commercial et à la vente, mettre à jour une communication en phase avec leur expertise, leurs valeurs et leur identité, se rendre visible, prendre des décisions stratégiques et balayer leur bureau, fixer leurs tarifs et négocier des contrats. Les coachs internes doivent, quant à eux, installer leur territoire au sein de leur organisation, faire connaitre leurs offres, légitimer leurs interventions, faire face à la complexité d’intervenir dans un système auquel ils appartiennent. Si certains œuvrent au sein d’équipes légitimées et reconnues, d’autres se retrouvent pionniers dans des contextes pas toujours favorables. Dans un cas comme dans l’autre, impossible de se reposer sur ses acquis : d’une part l’environnement est mouvant et nécessite une adaptation constante, et d’autre part des puissants mouvements internes, souvent identitaires, impliquent des actualisations tant de la pratique que des conditions d’exercice et offres de service. Cet aspect est capital et parfois cause de grandes désillusions: une fois qu’on est formé, comment faire pour exercer et comment “durer” dans le métier sans s’épuiser. La dynamique entrepreneuriale et identitaire appelle chez les superviseurs des approches de coaching et de mentoring.
Celle des « états-d’être ». Le coaching est une pratique visant à la « transformation » de son « objet /sujet » : le client. Mais le premier « transformé » est le coach lui-même ! Comment pourrait-il en être autrement d’ailleurs ? Peut-on imaginer un coach qui, pendant les 10, 20 ou 30 ans que va durer sa carrière, se répèterait à l’identique ? Comment imaginer un coach « jonglant » avec les affects de ses clients tout en restant dans sa tour d’ivoire ? Le principal outil du coach, c’est lui-même. Et il est touché, voire affecté par nombre de stimuli issus tant des accompagnements à proprement parler (l’art et la manière) que des conditions de son activité de coach (dynamique entrepreneuriale et identitaire). On coache (et on supervise!) à partir de “qui on est”, et pas seulement de compétences professionnelles. Comment je le sais? Parce que je le vis depuis plus de 20 ans!
Phénomènes relationnels avec ses clients, sentiment d’imposture, enjeux narcissiques, relation avec l’argent, management de son énergie entre le trop plein et le trop vide, crises de légitimité, frustrations, déceptions, peurs mais aussi enthousiasme débordant, sentiment de toute puissance ou d’impuissance, névrose de classe, vie privée… la liste est longue de tout ce qui va, inévitablement, activer le coach au plus profond de lui-même, en résonance avec son histoire personnelle, ses croyances, ses valeurs. Et qui ne pourra pas être laissé de coté sauf à diminuer la qualité des accompagnements et à attaquer l’intégrité intellectuelle, physique et émotionnelle du coach. Cette dimension des « états d’être » est particulièrement présente en supervision collective, car cette dernière favorise les mécanismes de comparaisons et traversées de honte. Des « excursions » dans un espace plus thérapeutique s’avèrent alors fort utile, non pas à des fins de traitement des affects, mais pour y explorer comment le passé vient colorer le présent et y mettre une juste distanciation.
La posture sous-jacente à cette approche est de passer de “faire du coaching” à “être un coach singulier”. Non pas dans une approche “fusionnelle” où tout est entremêlé sans qu’on puisse rien y reconnaitre (identification: je suis mon métier), mais au contraire pour discerner l’intrication des différents champs professionnels, personnels, sociétaux, économiques ou culturels qui interagissent à un moment donné de l’accompagnement et de la trajectoire du coach (et que le client va immanquablement activer!).
Et vous, de quelle supervision avez vous besoin aujourd’hui pour évoluer?