Laisser exister un NDO (Niveau de Doute Optimal) sur sa pratique me semble en effet salutaire et porteur d’avancées tant pour le coach que pour son client. Ainsi que l’exprimait Nietzsche, ce n’est pas le doute qui rend fou, mais la certitude, comme celle de définir son client à travers une grille de personnalité, rassurante pour le besoin de contrôle du coach, mais potentiellement réductrice de sa complexité. Quant à l’aspect « optimal », c’est faire en sorte que le doute aille connecter à des ressources nouvelles pour trouver une forme de « pouvoir pour », créateur de mouvement et d’énergie, plutôt que de l’inhibition et de l’abattement
Or, la tendance que j’observe habituellement est, pour reprendre un des 4 accords toltèques, « d’en faire une affaire personnelle ». Le coach va aller pointer son regard et diriger toute son attention vers lui-même, et scanner ses comportements verbaux et non verbaux. Selon son degré d’estime de lui-même, il va y associer des auto-jugements et des émotions douloureuses, et confirmer ainsi ce qu’il sait depuis longtemps sur son incompétence ou son sentiment d’imposture. Et ainsi omettre que tout ceci se manifeste à l’occasion d’une relation singulière avec son client, et que ce dernier est partie prenante de ce qui s’est passé. Prenons un exemple récurrent : le coach se sent inutile et trouve que les séances ronronnent, et pourtant il essaie, s’efforce de varier ses approches, d’aller chercher son client. Mais plus il fait de la même chose et plus il obtient du même résultat (lui s’agite et le client ne bouge pas). Il s’en veut, en fait une affaire personnelle, il a le sentiment de « rater ». En fait, il voudrait / aimerait que les « choses » soient autres que ce qu’elles sont, et de ce fait néglige le potentiel de la situation telle qu’elle est. Pour l’exploiter, le coach pourrait « monter au balcon » pour regarder ce qui se passe et oser un autre point de vue basé sur une acceptation pleine et entière de ce qui est :
- Comment le client s’y prend-il pour contribuer à rendre ces séances « ronronnantes », et quelles bonnes raisons a-t-il de le faire, comment s’organise-t-il pour occuper l’espace et le temps par un récit « en surface » de nombreux événements possiblement « écrans » et quels besoins satisfait-il ainsi ?
- Comment le coach s’y prend-il pour jouer ce jeu de vouloir « nourrir » le coaching, comment s’organise-t-il pour le faire ainsi et au profit de quels enjeux ?
Quand je creuse ces aspects, je fais en sorte de mettre en lumière les écarts (parfois abyssaux) entre ce que le coach pensait et ressentait au moment précis du « ratage », ce qu’il a accepté pleinement sans vouloir le changer, et ce qu’il s’est autorisé à exprimer à son client. C’est à cet endroit qu’on peut observer un rétrécissement de l’impact du coach. Et à ce même endroit trouver de la puissance. Il faudrait pour cela que le coach prenne l’option d’ouvrir au partage de ses propres observations et affects. Et ainsi de créer un espace d’ouverture et de profondeur propre à la création de « nouveau ». L’engagement du coach est triple:
- Celui du dévoilement de ce qu’il vit ici et maintenant, en relation avec son client, et notamment de sa vulnérabilité, du fait de ne pas savoir, d’être perdu.
- Celui de l’hypothèse que ce qui se passe ici et maintenant entre lui et son client est « possiblement » en lien avec les problématiques du client et objectifs du coaching, sans projet d’avoir raison ni d’être approuvé.
- Celui de l’accueil inconditionnel des réactions du client à ce partage.
Cela implique de ralentir, voire de s’arrêter et d’observer le paysage. Je propose cette question aux coachs que je supervise (et je l’utilise moi même bien sur!): comment créons-nous cela ensemble et quels liens cela pourrait-il avoir avec le sujet du coaching? Oui,personnellement, je suis presque heureux de pédaler dans la choucroute quand cela m’arrive, car j’ai confiance qu’une pépite va en ressortir! Et j’aime transformer cette vision du « ratage » en pépite potentielle. Changer de regard, ça change …tout!
Bonjour Philippe, Même de loin, avec bcp de recul, j’apprécie toujours autant tes éclairages que ta plume. Ton esprit Toltèque, sans aucun doute, rayonne même dans la choucroute. Meilleures pensées Laurence
Merci Laurence, tu me fais rire! l’esprit Toltèque dans la choucroute ça crée forcément des possibilités infinies!